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Ludovic, le dream-maker

Robin Dunbar

Il cite l’anthropologue britannique Robin Dunbar, évoque la « poésie » des Chroniques martiennes de l’américain Ray Bradbury (1950) ou encore « l’acidité » des Caractères de La Bruyère, trois siècles plus tôt, en France. Mais nous parle aussi des mouettes et des rats, qu’il s’est mis récemment à photographier – ou encore de jeux vidéo, une passion plus ancienne.

Ludovic Cinquin, patron d’Octo Technology n’esquive aucune question et pourtant il garde une part de mystère. Est-il introverti ? Non. Froid ? Certainement pas. Timide ? Peut-être. Humble, c’est certain.

Ingénieur, passé chez L’Oréal ou chez Renault, Ludovic est désormais aux manettes d’une entreprise de près de 600 salariés, bien connue dans le milieu des ESN pour ses méthodes de travail innovantes. Octo a testé, grandeur nature, l’agilité, le travail en tribus et désormais la sociocratie.

Ludovic aborde ces transitions avec des objectifs très concrets et une grande capacité d’écoute.


Un réalisateur de rêves plutôt qu’un rêveur


Octo, fondé en 1998, a rejoint le groupe Accenture il y a trois ans. Avant ça, Ludovic Cinquin et François Hisquin, co-fondateur de l’entreprise, avaient « vécu en couple » durant 20 ans. Un binôme solide, une belle histoire de complémentarité : « François, c’est l’entrepreneur-né. Il aime les paris fous, il a plein d’idées. Moi, je ne suis pas comme ça. Je ne suis pas un « joueur de poker ». »


Ludovic, lui, serait plutôt un « réalisateur de rêves » qu’un rêveur : « Je suis celui qui fait en sorte que les choses arrivent. J’essaie de me projeter dans la durée. Je développe notre business, y compris en transformant le management et la culture d’entreprise. »


« Il y a 6 ans, j’ai pris la décision de réorganiser toute l’entreprise en tribus »

Ludovic a les idées larges. A tel point que, lorsque le confinement a plongé l’économie française dans la sidération, le 16 mars dernier, il se sentait prêt. « Pour le coup, la souplesse, c’est mon cheval de bataille. Cela fait dix ans que je travaille à ce que l’entreprise soit organique et adaptable. »


« Quand vous êtes plus de 150, c’est compliqué de faire corps, d’entretenir le sentiment d’appartenance… »

Octo a compté parmi les premières organisations en France à faire basculer leurs équipes vers les méthodes agiles. « Il y a 6 ans, j’ai pris la décision de réorganiser toute l’entreprise en tribus, du jour au lendemain. Nous avions un problème de turn-over lié à l’identité d’entreprise. Quand vous êtes plus de 150, c’est compliqué de faire corps, d’entretenir le sentiment d’appartenance… Nous avons donné aux équipes deux mois pour construire et se répartir les projets qui leur plaisaient. Treize projets sont nés, comme autant de mini-entreprises. Aujourd’hui, nous sommes adaptables pour deux raisons : nos collaborateurs sont tous autonomes et nous fonctionnons en cycles ultra courts. »


« L’intelligence collective, ici, n’est pas un vain mot »

Ludovic nous accueille dans des bureaux silencieux : « Vous voyez, les équipes ne sont pas là – ce serait parfaitement inutile. Certains patrons confondent télétravail et oisiveté. Pas chez nous ! Nous communiquons sans problème, à distance. C’est d’ailleurs l’une de mes grandes sources de joie : j’ai vraiment l’impression de profiter du cerveau de 600 personnes. L’intelligence collective, ici, n’est pas un vain mot. »


« Les méthodes agiles nous ont façonnés, en retour elles ont changé notre façon de voir le monde. »

Après la naissance des tribus, le turn-over a chuté de plus de 10 points. « Faire des trucs cools quand on est 50 personnes, c’est facile. A 500, non. C’est ça qui me stimule. »


L’agilité a vraiment marqué un tournant : « On a pu devenir ce qu’on est uniquement parce qu’on s’est penché sur les méthodes agiles : elles nous ont façonnés, et en retour elles ont changé notre façon de voir le monde. On pense que nos croyances déterminent nos gestes, mais en réalité ce n’est qu’une partie de l’équation : le plus important, c’est que nos gestes déterminent nos croyances. C’est une boucle. »


La résistance passive est un syndrome courant dans les entreprises.


Et depuis six mois, place à la sociocratie et au concept-fondateur de consentement. « Attention, si on n’est pas d’accord avec une décision collective, il faut proposer autre chose, il faut argumenter. On se trouve à l’opposé de la résistance passive qui mine un grand nombre d’entreprises. »


« Plus la décision est collective, plus l’autorité peut être remise en cause »

Quel est le rôle du dirigeant dans un système comme celui-là ? « Plus on laisse de place à la décision collective, plus le rôle de l’autorité peut être remis en cause. Mais le patron joue plusieurs rôles. D’abord, il nomme la moitié des acteurs du cercle décisionnaire. Ensuite, il peut abattre une sorte de 49.3, il doit être capable de reprendre les rênes le moment venu. Enfin, il conserve un rôle de représentation très important. »


Gagner ses lettres de noblesse au combat


Si gagner en maturité, c’est aussi se libérer de l’image qu’on veut projeter, de cette vanité-là. Le véritable enjeu est de devenir ce que l’on a envie d’être, plutôt que d’attendre la validation dans le regard des autres.


Alors à son tour, Ludovic quitte les coulisses et sa retenue pour monter sur scène. Il « évangélise », il explique, il convainc. Et forge ses meilleurs souvenirs, devant un auditoire progressivement conquis. « Chez Octo, on n’a pas un recrutement élitiste, mais on est une entreprise aristocratique – comme l’a dit l’un de nos collaborateurs. On gagne ses lettres de noblesse au combat. »


Portrait réalisé en Juillet 2020 et rédigé avec ♡ par Florence Boulenger.

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