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Geoffrey, Quitte ou Double

Geoffrey Kretz

Il a commencé par s’interroger : notre « double six » (le nom de l’entreprise qui édite Instinct Collectif) était-il une référence au lancer de dés ? Bien entendu ! C’est ainsi que Geoffrey a mis sur le tapis son goût pour le jeu. La conversation s’est alors emplie de dés – à 4, 6, 8, 10 ou 20 faces – et surtout, nous avons découvert que l’entrepreneur devant nous avait parfaitement su tirer parti de cette dimension-là : entre prise de risque, capacité de rebond et attirance pour le « toujours plus », Geoffrey Kretz, fondateur de Kwit, pilote sa carrière et son entreprise comme un joueur aguerri, entre aventure, reculs et coups d’éclats.


Bienvenue en Alsace


Instinct Collectif quitte Paris et son microcosme pour aller rencontrer d’autres entrepreneurs de la Tech, un peu partout sur le territoire français. Cette semaine, nous voici à Strasbourg.


Kwit, « l’application mobile qui vous fait arrêter de fumer pour de bon », a levé en janvier 1,3 million d’euros pour son application de sevrage tabacologique. Fondée en 2017, désormais traduite en 16 langues, l’app compte 2,5 millions de téléchargements.


Mais l’histoire débute avant 2017. En 2012, précisément, nous explique Geoffrey. A l’époque, Kwit n’est encore qu’un « side project ». « J’avais l’idée en tête, j’avais même développé l’application, mais je n’envisageais pas d’en faire mon activité principale. »


« Le numérique m’a toujours attiré »

Ingénieur diplômé du Cnam, ancien consultant (il développait des applications bancaires), Geoffrey, 45 ans aujourd’hui, n’a « jamais vraiment compris que l’informatique était un métier ». « A six ans, j’avais déjà un ordinateur, j’étais tout petit mais je réalisais des programmes pour dire « bonjour ». Le numérique m’a toujours attiré. »


Alors, quand il décide lui-même d’arrêter de fumer, c’est tout naturellement qu’il construit une application mobile. Il choisit bien sûr de « gamifier » le sevrage, en transposant le parcours du fumeur dans une partie en ligne. Kwit prend vie, mais reste dans l’ombre. A tel point qu’en 2016, lorsque Geoffrey quitte le salariat, ce n’est pas pour se consacrer à son app, mais à un projet d’e-commerce.


« J’ai rencontré un autre entrepreneur, plus âgé que moi, qui m’a proposé un projet intéressant dans l’e-commerce. J’ai quitté le confort de mon poste pour m’associer avec lui… et cela n’a pas fonctionné. Mais alors… pas du tout ! Aujourd’hui j’en tire une leçon : c’est formidable de s’associer, mais choisissez un partenaire avec qui vous saurez partager les moments difficiles – l’enthousiasme des débuts ne suffit pas à construire une relation durable. »


Après avoir perdu des batailles est venu le succès


Geoffrey perd quelques plumes dans la bataille et reste marqué par la liquidation judiciaire… mais pour autant, il ne retourne pas au salariat. Il est mordu ? Sans aucun doute. « J’ai appelé deux amis en 2017 et on s’est associés pour faire de Kwit un projet d’envergure. lls ont quitté leurs emplois respectifs, très bien rémunérés, pour sauter le pas avec moi. Ils m’ont fait confiance… et ce soutien était essentiel. »


Cette fois-ci, le succès semble au rendez-vous. Kwit compte plus de 10 salariés en ce début 2021 et projette de doubler l’effectif d’ici la fin d’année. « Ce qui est difficile n’est pas de créer l’app, mais de la marketer, explique Geoffrey. On peut toujours faire mieux. Par exemple, j’ai rêvé longtemps d’être tout en haut de l’App Store – et quand on a réussi, ça ne m’a pas suffi. »


L’App Store, pour nos lecteurs qui n’exercent pas dans l’économie mobile, ça ne veut peut-être pas dire grand-chose. Mais c’est le Graal. C’est réservé à l’élite de l’élite. Vous entrez dans ce top-là ? C’est comme si l’on braquait un projecteur sur vous. Reconnaissance et succès : le compteur des téléchargements s’emballe. C’est mécanique : plus on vous télécharge, plus vous êtes téléchargé. Lorsque Geoffrey dit qu’il n’a pas savouré longtemps ce succès, cela en dit long sur ses ambitions et sur sa soif de conquêtes.


« C’est vertueux de se concentrer sur un seul objectif »

Très actif, très curieux, Geoffrey lit beaucoup de littérature américaine dédiée aux entrepreneurs – en particulier sur les OKR (Objectives & Key Results). Pas moins de 8 ouvrages sur le sujet dévorés à l’été 2020. « Et la rentrée, j’ai donné le Go. Cela m’a permis de mieux organiser l’activité, de mettre en place des process … sachant que la première personne visée, c’est vraiment moi. J’ai tendance à me disperser. A mon sens, l’entreprenariat, c’est l’art et la manière d’être focus. » Tout en cultivant la dimension opportuniste nécessaire au développement du business.


Il y a quelque chose de boulimique chez Geoffrey, une frénésie d’apprendre et d’élargir son horizon. Alors on s’étonne, fatalement, qu’il ait choisi de faire de son « side project » un « full time project ». « C’est vertueux de se concentrer sur un seul objectif. Et puis, j’ai des responsabilités maintenant, auprès de mes associés comme de mes collaborateurs. »


« Je suis vraiment heureux de m’être lancé. A mon poste précédent, il me manquait une dimension créative, et de l’autonomie bien sûr. Ma femme a créé sa propre entreprise en même temps que moi – nous avons contracté des prêts, pris des risques, avec deux adolescentes à la maison… mais on est bien. Je suis confiant pour l’avenir. »


Kwit s’appuie sur les thérapies comportementales cognitives et permettra à moyen terme de soigner d’autres types d’addictions. « Objectif immédiat : devenir rentables avant la fin 2021. » Les rencontres avec la sphère politique sont amenées à se multiplier, d’autant que l’Etat vient d’annoncer le plan « Génération sans tabac ». « Ce n’est vraiment pas mon fort. Mais il faut que je progresse là-dessus. Nous avons tellement de sujets communs avec l’Assurance Maladie, les Mutuelles… Je veux développer les synergies avec les structures politiques. »

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