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Denis, le Sagace

Dernière mise à jour : il y a 19 heures

Denis Saada

Un matin de 2019, il s’est retrouvé face au miroir. Denis Saada venait de recevoir simultanément un « non » de la part d’un incubateur parisien et un « oui » pour un poste prestigieux dans un cabinet de conseil. Il s’attendait parfaitement au « non », ayant déposé le dossier cinq jours plus tôt sans avoir pu le préparer. Mais rien à faire : ce non-là lui restait en travers de la gorge. « C’était un sentiment facile à identifier : une vive déception. » Plus difficile en revanche : en prendre acte. Or Denis a opté pour un choix radical. « Je me suis dit : ce n’est pas possible. C’est trop fort. J’ai écouté cette émotion qui prenait toute la place et j’ai refusé le poste qu’on m’offrait, pour me lancer dans la création d’entreprise. Ainsi est né Betterway


Penser collectif


Il nous a parlé de son grand frère, bien avant de parler de lui. Le grand frère en question a créé une entreprise à la sortie de l’école et « 25 ans après, elle est toujours pérenne ». On sent l’admiration pour ce modèle, mais on comprend surtout que Denis s’inscrit foncièrement dans le collectif, qu’il se mêle aux autres, qu’il existe avec les autres. Il a évoqué sa sœur, aussi, en train de se lancer à son tour en Israël. Et les scouts, chez qui il a passé 18 années, avec un sens très fort de la communauté.


Une volonté sans faille


Denis pourrait être réduit au « bon élève » – celui qui réussit tout ce qu’il fait.


Mais ce n’est pas le cas. On sent qu’il a dépassé tout ça, qu’il est en paix avec ce qui aurait pu devenir un carcan : la famille, les codes d’un milieu. Pas rebelle mais sage. Il y a chez Denis la sagesse de ceux qui savent se regarder honnêtement. En revanche, Denis nourrit une volonté, puissante, d’être cohérent avec lui-même.


Ce courant que l’on devine sous la surface est manifeste avec l’épisode du choix relaté plus haut. Mais il est perceptible dans chacune des paroles de Denis. « Cela fait 15 ans que je travaille. Je suis passé dans de « vraies » entreprises, raconte-t-il. Chez Uber, Arthur D. Little ou Clear Channel Outdoor, où j’ai pu monter les échelons. J’ai toujours été un intrapreneur, très porté sur l’innovation et les opportunités de marché. Pendant un temps, je pensais que j’avais raté le coche pour créer ma propre entreprise : j’étais trop âgé. Mais deux signaux simultanés m’ont fait changer d’avis. »


Au commencement : il a capté deux signaux faibles


D’abord, il est tombé sur une étude de Harvard portant sur l’âge auquel les 500 entrepreneurs les plus talentueux du monde s’étaient jetés à l’eau. « Je me souviens très bien : il y avait Mark Zuckerberg à l’extrémité gauche de la courbe (24 ans) et le patron de KFC à droite : 65 ans. Surtout, le pic se situait entre 35 et 40 ans. Il y a beaucoup d’entrepreneurs jeunes, mais ceux qui réussissent le sont moins. »


Conforté dans l’idée que « c’est encore possible », Denis – 38 ans – se voit également rassuré par la force des dispositifs publics. Sur le sujet, il est catégorique : « La première aide à l’entreprenariat en France, c’est Pôle Emploi. Etre soutenu durant deux ans, continuer à percevoir ses allocations chômage, alors que l’on est en création, ce n’est pas un coup de pouce : c’est presque un chèque en blanc que l’Etat vous signe. Nous avons beaucoup de chance d’être en France, quoique certains puissent en dire. La BPI également est un acteur solide. »


C’est ainsi que Denis a fini par concrétiser ce projet d’entreprenariat qui lui tenait à cœur depuis longtemps. Et finalement, son entreprise sera incubée à laStation F. « Je me suis décidé à me passer du filet de sécurité que représente le salariat. Quand vous êtes intrapreneur, si le projet plante ou si vous prenez deux mois de retard, ce n’est pas dramatique. Quand vous êtes entrepreneur, vous avez une responsabilité vis-à-vis de vous-mêmes, mais aussi de vos salariés. Nous sommes 12 actuellement et nous allons recruter encore six personnes cette année. »


Une intuition et un réseau


Denis s’est appuyé sur des leviers informels mais très puissant : son intuition et son réseau notamment. « Nous nous construisons tous professionnellement grâce à la somme de nos expériences précédentes – et grâce au réseau que l’on a su développer. Quand on devient entrepreneur à 38 ans, on bénéficie d’un atout très fort, que l’on n’a pas à 20 ans : notre cercle s’est élargi, tous nos contacts sont montés en puissance. » Diplômé de Sciences Po, Denis partait avec de bonnes bases – il a su les faire fructifier.


BetterWay est une solution de paiement dédiée à la mobilité des employés. « Ce qui m’anime, conclut Denis, c’est de créer un produit utile, présent dans la vie quotidienne de ses utilisateurs. Le fondateur de Doctolib, c’est un peu comme s’il était entré dans le dictionnaire, non ? Apporter un vrai service, avoir un impact sur le monde, c’est important pour moi. Je ne crois pas que ce soit de la mégalomanie – plutôt la volonté de servir. Il y a dans ma façon d’entreprendre l’idée d’une responsabilité, aussi.. Je veux apporter ma vision au monde et emmener ce projet le plus loin possible. »


« J’aimerais avoir davantage le nez au vent »

Doté d’un goût pour l’aventure, Denis regrette que son parcours ait pu manquer de « cahots » , mais compense en embauchant des collaborateurs aux parcours parfois accidentés. « J’aimerais avoir davantage le nez au vent », conclut celui dont l’entreprise favorise les mobilités vertes – le vélo notamment !


La rencontre avec Denis est pour nous l’occasion de saluer un autre de nos Bâtisseurs, Hugues Hansen, convaincu lui aussi de l’avenir des solutions de mobilité écologiques (ainsi que du caractère vital d’un bon réseau !) : les deux hommes auraient sans doute beaucoup à se dire et nous souhaitons pouvoir les réunir bientôt autour d’un café.

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