L'optimisme fait banqueroute
La fondatrice de lâOptimisme.com a perdu le sourire.
Catherine Testa est classée par Linkedin depuis trois ans parmi les personnalités les plus influentes du pays.
Et pourtant, la crise du Covid-19 aura eu raison de son beau sourire. Catherine se rallie aujourdâhui Ă ceux qui, depuis ses dĂ©buts, la taxaient de naĂŻvetĂ©. AprĂšs avoir licenciĂ© lâintĂ©gralitĂ© de son Ă©quipe, elle vient de fonder « Le RĂ©alisme », un magazine qui sera vendu dans les aĂ©roports dĂ©saffectĂ©s, avec des comprimĂ©s de Xanax. Une interview dĂ©calĂ©e, qui a dĂ©marrĂ© par un moment gĂȘnant, elle nous montre toutes les boĂźtes de conserve empilĂ©es sous son lit : « parce quâon ne sait jamais »...
Bon. On vous lâaccorde, on nây est pas allĂ©es de main morte. Ces premiĂšres lignes constituent un « putaclic », et un pied de nez aux grincheux et aux prĂ©dicateurs morbides. Câest Catherine qui nous en a soufflĂ© lâidĂ©e involontairement, en nous parlant de son mĂ©tier.
Rassurez-vous, elle va trĂšs bien, elle a toujours la mĂȘme Ă©nergie - le mĂȘme sourire - et elle ne licencie personne⊠Durant notre conversation, elle nous a expliquĂ© en quoi consiste sa profession « dâinfluenceuse » et en quoi, justement, le secret câest dâĂȘtre vraie.
"Le secret câest dâĂȘtre vraie"
« Quand jâai commencĂ© Ă travailler, câĂ©tait dans le dĂ©veloppement durable, explique Catherine. Jâai eu mon diplĂŽme, jâai rejoint lâAdeme, Ă une Ă©poque oĂč personne ne sâintĂ©ressait Ă lâĂ©cologie. CâĂ©tait avant le Grenelle. Cinq ou six ans plus tard, je me suis intĂ©ressĂ©e au numĂ©rique. En fait, je voulais comprendre les stratĂ©gies marketing, comprendre pourquoi tout le monde nous exhortait Ă consommer, en se fichant du dĂ©veloppement durable. »
Etre optimiste c'est ĂȘtre taxĂ© de naĂŻvetĂ© et d'angĂ©lisme
Catherine plonge donc en coulisses et y acquiert sa premiĂšre certitude : « la sociĂ©tĂ© ne changera que par les gens ». Elle se dit alors quâil est temps de redonner une chance Ă une valeur sous-cotĂ©e : lâoptimisme.
« Quand tu crĂ©es une boĂźte, quand tu te mets en couple, il y a un mĂȘme prĂ©-requis : lâoptimisme. Notre sociĂ©tĂ© toute entiĂšre repose lĂ -dessus et pourtant on se moque des initiatives positives. On taxe de naĂŻvetĂ© et dâangĂ©lisme tous ceux qui les promeuvent. »
Trop de média jouent sur la peur, il fallait proposer l'inverse
La jeune femme lance alors un mĂ©dia : lâOptimisme.com propose une revue de presse 100% positive, des vidĂ©os, citations, Ă©tudes, interviews... Comme le promet sa baseline, câest une « dose de bonne humeur au quotidien ». Le site se fait connaĂźtre de proche en proche. « Je crois que beaucoup de lecteurs en ont assez des informations qui jouent sur leurs peurs et leur instinct de survie. Je me suis dit, simplement, que jâallais proposer lâinverse. »
Pour financer son projet, Catherine lance un crowfunding en 2016. Elle lĂšve 17 000 euros et embauche ses deux premiers collaborateurs. « Le crowdfunding, en fait câĂ©tait un POC⊠Et pour moi, ça a Ă©tĂ© un dĂ©clic. Jusque-lĂ , je nâaffichais pas mon nom, je nâincarnais pas le projet. Jâavais peur quâon me prenne pour un bisounours. »
"Moi, ma cible, câest une valeur, et câest ça qui me permet de dĂ©cloisonner le lectorat."
"En 2018, LâOptimisme fĂ©dĂ©rait dĂ©jĂ 50 000 personnes, sans rien faire dâautre que de communiquer sur des valeurs. Ils sont aujourd'hui un million. Personne nâavait posĂ© une valeur sociĂ©tale aussi simple que lâoptimisme. Je voulais mâadresser Ă une population pour qui cela reste une valeur motrice. »
Aujourdâhui, le mĂ©dia compte prĂšs de 69 000 abonnĂ©s sur Linkedin, plus de 260 000 sur Facebook, 125 000 sur Instagram⊠« Les marques, dâhabitude, sâadressent Ă des cibles prĂ©cises. Moi, ma cible, câest une valeur, et câest ça qui me permet de dĂ©cloisonner le lectorat. LâOptimisme regroupe des grands patrons comme des rĂ©sidents des citĂ©s. »
Assumer l'étiquette d'influenceuse
Catherine, qui nâaime pas les Ă©tiquettes, a progressivement assumĂ© celle dâinfluenceuse. « JâĂ©tais dĂ©jĂ habituĂ©e, avec mon expĂ©rience en dĂ©veloppement durable, Ă ĂȘtre lâutopiste de service, la dĂ©calĂ©e. Moi, lâincertitude, je connais. Et puis je suis un zĂšbre, une hyper sensible, jâai fait mienne cette phrase de Gustave Flaubert : « Je suis douĂ© d'une sensibilitĂ© absurde, ce qui Ă©rafle les autres me dĂ©chire. » Alors, jâannonce la couleur. Je prĂ©viens que je suis comme ça. Et ça passe. »
Avec ses doutes, ses prises de risque, ses émotions, elle touche son public.
Mieux : ça convainc. PlutĂŽt que de gonfler les muscles sur Linkedin, Catherine y Ă©crit des articles oĂč elle expose ses doutes, ses prises de risque, ses Ă©motions. Elle touche son public. Elle parle dâĂ©ducation, de santĂ©, de travail, dâĂ©cologie bien sĂ»r. Peu Ă peu, on lui demande des confĂ©rences. Elle crĂ©e un Think Tank consacrĂ© Ă la qualitĂ© de vie au travail. Elle se met Ă Ă©crire des livres, publiĂ©s chez Michel Lafon. Elle devient coach dans lâĂ©mission dâEurope 1, « La France bouge », le midi entre 12h30 et 14h.
La croissance lente
DĂ©sormais, elle continue de faire croĂźtre son entreprise, Ă un rythme volontairement lent. AdhĂ©sions, partenariats et surtout confĂ©rences constituent lâessentiel des revenus. « On a grandi, puis dĂ©-grandi, par choix. On a ouvert une boutique Ă Paris pour que les gens puissent pousser la porte. Mais je ne veux pas dâinvestisseurs, pas de business plan Ă cinq ou dix ans. Jâaime ma libertĂ©. Jâai un comptable et un mentor : je me suis entourĂ©e de professionnels capables de faire ce que je ne sais pas, ou nâaime pas, faire. »
En pleine crise du Covid-19, Catherine et son Ă©quipe se sentent plus que jamais nĂ©cessaires. Ils continuent de gagner des lecteurs. Le confinement les a contraints Ă annuler leur Ă©vĂšnement annuel - en mars - qui reprĂ©sente un quart du chiffre dâaffaires. Peu importe, ils sâadaptent (lire ci-dessous) : les canaux numĂ©riques ont pris le relais et Catherine, jusquâalors trĂšs peu amatrice de visioconfĂ©rence, sây est mise⊠avec le sourire.
Trois conseils optimistes
#1 - se rapprocher de son banquier
⹠« De grands groupes du luxe ont reportĂ© des confĂ©rences que nous devions tenir chez eux, dâavril 2020 Ă avril 2020, et parfois 2021. Cela signifie que la crise Ă©conomique va sâinstaller pour un moment. Rapprochez-vous de vos alliĂ©s, Ă commencer par votre banquier. Nous allons tous devoir tenir dans la durĂ©e. En lâacceptant, on peut sâorganiser en fonction. »
#2 - pivoter
⹠« Câest le moment oĂč jamais dâapprendre Ă pivoter. Nous-mĂȘmes avons pivotĂ© vers les canaux numĂ©riques, alors que nous Ă©tions trĂšs attachĂ©s aux rencontres physiques. Mais il faut voir les choses en face et transformer un problĂšme en opportunitĂ©(s) : câest une chance dâacquĂ©rir de nouvelle compĂ©tences et de se diversifier. »
#3 - repenser l'emploi
âąÂ « Câest compliquĂ© de mettre ses salariĂ©s au chĂŽmage partiel, quand ils aiment leur mĂ©tier et ne demandent quâĂ travailler ! Cette crise nous offre aussi lâoccasion de rĂ©flĂ©chir au sens de nos emplois, aux bullshit jobs, ou encore aux conditions de travail. A LâOptimiste, nous envisageons de quitter Paris pour nous installer dĂ©finitivement en NormandieâŠÂ »
Portrait rédigé avec ⥠par Florence Boulenger