
#PAROLE DE
BENOIT DULAC
« Avec un classeur Excel, on allait droit dans le mur »
Le patron des Eco-Isolateurs, Benoît Dulac, attire volontiers les projecteurs. La presse économique en particulier a salué récemment la croissance exceptionnelle de son entreprise : + 4 400% en l’espace de trois ans, avec un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros l’année dernière. Derrière la réussite rapide d’un homme qui, à 14 ans, se rêvait déjà en « patron d’une PME à Evreux », se cachent plusieurs qualités, au premier rang desquelles figurent sans doute une solide capacité d’adaptation et… une foi éprouvée dans les outils numériques. Même et surtout lorsqu’il s’agit de les appliquer à l’univers très concret du BTP.
Un dimanche soir, Benoît Dulac reçoit un coup de fil de l’un de ses chargés d’affaires : ce collaborateur s’est rompu le tendon d’Achille en aidant sa fille à déménager. Verdict : arrêt-maladie pour quatre mois. Le lendemain matin, le dirigeant endosse donc le costume de commercial pour réaliser la tournée prévue auprès des clients. « Ce jour-là, j’ai eu une révélation, explique-t-il. Je n’étais ni technicien, ni commercial. Mais confronté aux demandes des clients, j’ai compris l’importance de mettre en place deux outils : un ERP pour gérer toute notre activité et une solution marketing pour la valoriser ».
UN ERP TOUCHE-À-TOUT
Le terrain a parlé… et Benoît s’attelle au développement de sa botte secrète, un ERP touche-à-tout, qui couvre l’ensemble des process de l’entreprise : devis, facturation, gestion des achats, gestion des plannings, reporting, comptabilité… Aujourd’hui, chacun des 250 collaborateurs est équipé d’un smartphone et d’une application mobile reliée à l’ERP : les ouvriers envoient leurs photos, expliquent ce qu’ils ont fait sur le chantier, passent le client à l’équipe du siège… C’est seulement une fois que celle-ci a validé la satisfaction client, que les ouvriers peuvent attaquer le chantier suivant.
L’outil doit être tentaculaire, sans s’emmêler les tentacules ! « J’ai consacré 20 à 25% de mon temps à cet ERP, durant cinq ans », souligne Benoît Dulac.
SI LE CHEF D'ENTREPRISE NE S'EN OCCUPE PAS, CELA NE FONCTIONNE PAS
Un investissement colossal, et cependant incontournable aux yeux de l’entrepreneur : « Si ce n’est pas le chef d’entreprise qui prend le sujet en main, ça ne fonctionne pas. Et sans cet ERP, on n’aurait pas pu réussir tout le reste. »
Aujourd’hui, les Eco-Isolateurs emploient une DSI, mais tous les développeurs restent externalisés, chez Proginov, une solution française en mode Saas. Côté budget, Benoît Dulac investit encore 40 à 50 KE par mois dans le développement. « Il fut une époque où j’avais le chef de projet ERP au téléphone cinq fois par jour. C’était la personne avec qui je parlais le plus… »
DES MÉTHODES DE PURE PLAYER AU SERVICE DU BTP
En coulisses toujours, le marketing joue un rôle-clef. L’entreprise de rénovation thermique du bâtiment a depuis longtemps compris l’importance de générer des « leads » sur Internet et de transformer l’essai grâce aux nouveaux outils numériques. Spécialiste de l’isolation, adepte de l’approche globale, en passe d’étendre ses services aux domaines connexes de l’installation de chaudières, de pompes à chaleur et de solutions photovoltaïques, le patron des Eco-Isolateurs se déplace avec agilité dans les coulisses du web. Avec de vrais réflexes de Pure Player : focalisé sur la mesure des résultats, « drogué à la croissance » et ne jurant que par l’A/B test.
A 46 ans, Benoît Dulac n’est pas né avec un smartphone dans la main, pourtant il s’est toujours intéressé à l’autre monde, celui du « Online ». A l’issue de ses études (une maîtrise en Finance puis HEC) et à peine entré sur le marché du travail, il lâche un job en cabinet de conseil pour fonder une société de livraison en 24h, en réponse aux premiers pas de l’e-commerce, canal dont il pressent le développement fulgurant. Ce ne sera pas un succès, mais l’expérience atteste de son côté « vigie » et de son aptitude à mettre (rapidement) une solution en face d’un besoin.
C’est un peu la même démarche qui, quelques années plus tard, l’amènera à revoir complètement le modèle économique de son entreprise.
RÉDUIRE LES COÛTS
« L’isolation, ce n’est pas un achat-plaisir. Les clients ne peuvent pas se projeter comme ils le font pour un grand écran ou une cuisine. Alors, c’est à nous de baisser les coûts. Nous avons passé un an à remettre à plat tous nos process, pour pouvoir réduire la facture de 30 à 40% sans perdre en qualité, ni baisser nos marges. » Cela valait le coup : en jonglant avec les subventions publiques, le patron est désormais en mesure de proposer à ses clients une isolation des combles « pour un euro ». Un modèle inspiré de la Dacia de Renault. Et un franc succès : ‘« Nous avons réussi à activer un marché qui dormait. »
TESTER ET S’ADAPTER EN PERMANENCE
Malgré sa voix douce, on devine en Benoît un entrepreneur intraitable et un fonceur que l’on n’arrête pas facilement. A une époque, il a tenté le modèle de la franchise, mais s’est trouvé confronté à un problème de casting. Les cadres en reconversion, devenus directeurs d’agence, n’arrivaient pas à vendre. On ne s’improvise pas commercial. Le problème, là encore, a été réglé grâce à l’ERP. Le modèle autrefois très décentralisé est devenu centralisé : tout est piloté à Evreux, y compris la planification des tournées pour Avignon. « Chaque agence est désormais une unité de production et tout ce que je demande à son directeur est d’être un bon manager. Il ne gère ni le commercial, ni ses approvisionnements, ni même sa facturation… Tout est régulé dans l’ERP. Si nous n’avions pas fait ce choix, il nous aurait fallu 20 ans pour couvrir le territoire français. » Benoît Dulac a mis deux ans pour réussir le maillage territorial.
Benoit Dulac, Président Les Eco-Isolateurs
Portrait rédigé avec ♡ par Florence Boulenger
